Après des mois d’absence, une nouvelle photographie parvint à l’auteur, lequel s’était entre temps efforcé de ne pas trop regretter la disparition de la Grenouille-à-écharpe. Car ledit batracien, pour intéressant qu’il fût, n’en demeurait pas moins pourvu d’un sens de l’humour et de la répartie assez particuliers, et pour tout dire irritants.
Voici donc ce qu’il tint entre ses mains, un matin pluvieux de mai :
Il en conclut naturellement que la Grenouille-à-écharpe s’était fait tirer le portrait dans un quelconque photomaton. Et quand le batracien, entre deux averses, vint plus tard coasser un salut au pied de la porte fenêtre du salon, l’auteur ne put s’empêcher d’afficher un sourire de triomphe en exhibant la photo :
- Alors comme ça on revient de Bora-Bora ? Pas beaucoup bronzée, en tout cas… Ca ne marche plus avec moi, ce petit jeu.
Mais au fond il était heureux de retrouver la Grenouille, et se serait presque excusé d’avoir utilisé un ton si peu chaleureux si elle n’avait levé les yeux au ciel en soupirant. (les soupirs de Grenouilles-à-écharpe étant particulièrement sonores et expressifs)
- Alors il suffit que je squatte quelques photomatons pour te faire croire que je ne voyage jamais ? Vraiment je ne croyais pas que ta naïveté irait jusque là… Et où donc crois-tu que j’étais passée, pendant tout ce temps ?
L’auteur agacé claqua la porte au nez de l’animal et s’en fut observer la photo à la loupe. Il n’y découvrit nul artefact ou raccord suspects et dut convenir que le batracien revenait très probablement de Bora-Bora.
Quelque chose, cependant, le tracassait, et il recommença à guetter l’apparition de la Grenouille. Elle n’était plus tout à fait la même, se disait-il. Pas bronzée, certes, encore moins respectueuse, et pourtant le batracien avait indubitablement changé. Mais il eut beau réfléchir, il ne trouva pas.